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 Chine-Centrafrique : Que faut-il en attendre du Sommet de Johannesburg pour la (re)construction de la Centrafrique après les élections ?  

Deux évènements d’importance capitale pour le développement de l’Afrique en général et pour la (re)construction de la Centrafrique en particulier sont passés inaperçus, moins médiatisés, n’ont quasiment pas fait l’objet de débats publics à l’effet de leur appropriation par les Centrafricains et notamment par la classe gouvernante. Il s’agit :

- d’une part, des Objectifs de développement durable (ODD), adoptés par les États membres de l'ONU en septembre 2015, pour succéder aux fameux Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Les ODD comprennent 17 objectifs mondiaux qui visent à mettre fin à la pauvreté, lutter contre les inégalités et l'injustice, et faire face au changement climatique d'ici à 2030 ; et,

- d’autre part, du Sommet du Forum sur la Coopération sino-africaine (FCSA), tenu à Johannesburg en Afrique du Sud, les 4 et 5 décembre 2015.

C’est sur ce second évènement, dont le thème est « la Chine et l'Afrique avancent ensemble : coopération gagnant-gagnant pour un développement commun », que nous pensons utile d’éclairer la lanterne du public centrafricain.

Il convient d’indiquer succinctement que le FCSA est une plateforme importante de dialogue collectif, un mécanisme de coopération pragmatique entre la Chine et les pays africains. Depuis sa création en 2000, les sommets du FCSA se tiennent, tous les 3 ans, alternativement en Chine et en Afrique. Le FCSA est toujours une grand-messe. Rares sont les pays africains qui manquent à l’appel. Celui de Johannesburg a vu la participation des chefs d'État, chefs de gouvernement et chefs de délégation de la République populaire de Chine et de 50 pays africains ayant des relations diplomatiques avec la Chine, ainsi que de la Commission de l’Union africaine.

Le ralentissement de la croissance chinoise (passant du taux à deux chiffres pendant plus de 20 ans à un taux aux alentours de 7% ces dernières années) impacte sur les échanges entre le géant asiatique et le continent noir, car il contribue à la chute des cours des matières premières dont beaucoup de pays africains dépendent. Rien qu’au premier semestre 2015, les investissements chinois en Afrique ont chuté de 40%, par rapport à la même période l’année précédente. Cet état de fait inquiétait en Afrique. Mais l’engagement de la Chine, notamment du président chinois Xi Jinping, à Johannesbourg, sur lequel nous allons revenir, a finalement rassuré ses amis africains. Le président Xi Jinping, porté à la tête de la République populaire de Chine en mars 2013, étant l’initiateur du principe dit de « sincérité, pragmatisme, amitié et franchise » devant guider les relations Chine-Afrique.

On retient du « Plan d’Action de Johannesburg » que la coopération entre les deux parties (la Chine et l’Afrique) monte en gamme. Les maîtres-mots sont désormais la diversification des économies, le transfert de technologies, le développement des capacités humaines…

La Chine s’engage à soutenir l'Afrique dans ses efforts de lever les trois obstacles à son développement que sont : le sous-développement des infrastructures, le déficit en personnels qualifiés et le manque de moyens financiers. La levée de ces goulots d’étranglement permettra d’accélérer le processus d'industrialisation et de modernisation agricole en vue de réaliser le développement autonome et durable du continent.

La Chine entend travailler ensemble avec l'Afrique dans ses diverses composantes (les gouvernants, entrepreneurs, universitaires, la société civile…) pour mettre en œuvre en priorité dix programmes de coopération en trois ans (2016-2018). Ces programmes, inscrits dans le Plan d’Action de Johannesburg (PAJ), couvrent des domaines larges et diversifiés (modernisation de l’agriculture, développement des infrastructures, industrialisation, transfert de technologies, développement des ressources humaines…).

Pour assurer la bonne exécution de ces dix programmes de coopération, la Chine a décidé de dégager 60 milliards de dollars US pour fournir des aides sans contrepartie et prêts sans intérêt d'un montant total de 5 milliards de dollars US, accorder une ligne de crédit de 35 milliards de dollars US pour les prêts à caractère préférentiel, faire un apport supplémentaire de 5 milliards de dollars US respectivement au Fonds de développement Chine-Afrique et aux Prêts spéciaux pour le développement des PME africaines, et créer un fonds de coopération sur les capacités de production Chine-Afrique avec un capital initial de 10 milliards de dollars US.

Que faut-il attendre de nos amis chinois (et d’autres partenaires d’ailleurs) pour la (re)construction de notre fameuse Centrafrique après les élections ?

Il est de notoriété publique que la Chine est aujourd’hui un partenaire majeur de la RCA. Les fruits de la coopération Chine-Centrafrique sont nombreux et visibles dans notre pays. Nous citerons, entre autres : le stade 20.000 places, les hôpitaux de l’Amitié (à Bangui) et Elisabeth Domitien (à Bimbo), l’usine d’égrenage de coton (à Bossangoa), l’équipement massif de l’administration (presque tous les ministères et institutions de la Transition) en matériels informatiques et moyens roulants.

Les candidats à la présidentielle de décembre 2015 servent aux Centrafricains un catalogue de promesses sans indiquer, de manière claire, comment ces promesses vont être financées. Nous pensons que le PAJ offre beaucoup de possibilités de réalisation de projets qu’il faut savoir négocier. S’appuyant sur ce plan d’action (qui court de 2016 à 2018), le vainqueur de la présidentielle doit, sans tarder, prendre langue avec la République populaire de Chine afin de voir comment certains éléments de son projet de société puissent être réalisés dans le cadre du PAJ. Il faudra œuvrer principalement pour :

1. La constitution d’une commission mixte Chine-Centrafrique qui serait un cadre approprié pour discuter des questions d’intérêts communs et appelée à se réunir périodiquement et alternativement à Pékin et à Bangui.

2. Le développement des infrastructures. Le PAJ a déjà mis l’accent sur la réalisation des projets d'infrastructures dans les domaines ferroviaire, routier, électrique, de l'eau potable, de l'information et de la communication, aéroportuaire… Dans ces domaines, nos priorités sont notamment l’énergie, les routes et, à terme, le chemin de fer. Il faut le désenclavement intérieur et extérieur du pays. Ce qui implique un accent particulier sur les infrastructures de communication. Sachant qu’à Johannesburg, la Chine et l’Afrique décident d’élaborer ensemble le Plan d'action de la coopération sino-africaine sur les chemins de fer (2016-2020), pour promouvoir la construction du réseau ferroviaire africain. La Centrafrique se doit de s’activer dans l’élaboration de ce plan en vue d’en être un des bénéficiaires des projets qui en découleront.

En matière d’énergie, il faut soumettre, à nos amis, entre autres, les projets de construction de barrages électriques de Mobaye et celui sur les chutes de Ndjimoli (dans la localité de Nola), à l’effet de réduire, à terme, le défit criant en électricité qui handicape sérieusement le développement de notre pays. Ces deux barrages étant des projets intégrateurs car censés desservir également des pays voisins (la RDC, le Congo-Brazza, le Cameroun…). Les pays concernés doivent, sous le nouveau leadership centrafricain, porter ensemble ces projets pour mieux convaincre.

3. La modernisation de l’agriculture. Compte tenu du fait que plus de 70% de la population active de notre pays vivent de l’agriculture, il est agréable de noter que tous les candidats à la présidentielle mettent l’agriculture au cœur de leurs programmes. Il faut savoir que la modernisation agricole des pays africains est de même au cœur du PAJ. La Chine promet de mettra en œuvre, entre autres, le « projet d'enrichissement de la population grâce à l'agriculture » dans des villages africains.

Il faut se fixer un horizon à l’issue duquel nos cultivateurs cesseront, progressivement, de travailler de manière rudimentaire (usage de houe, machette…) au profit des machines. La Chine a un savoir-faire inégalable en la matière à nous transmettre.

4. L’industrialisation du pays qui implique le transfert de technologies. La Chine a cumulé, en 30 ans de progrès économique, des technologies (machines de production) et des fonds (réserves de change substantielles). La RCA a, de son côté, des ressources naturelles et humaines non négligeables, mais la technologie et le fonds lui font défaut. La combinaison de ce que détient la Chine d’une part et des atouts de la RCA d’autre part, pourra être profitable à notre pays. Sachant que la Chine promet à Johannesburg de soutenir les pays africains dans leurs efforts de construire des parcs industriels et des zones économiques spéciales. Elle promet par ailleurs de mettre en œuvre des projets d'accès à la télévision par satellite dans 10.000 villages africains. Il faut œuvrer pour que des dizaines de villages centrafricains bénéficient de ces projets.

Le financement des projets industriels pourra trouver, en partie, de réponses dans le Fonds pour la coopération sino-africaine sur les capacités de production, d’un capital initial de 10 milliards de dollars américains, que la Chine se propose de créer pour soutenir les partenariats industriels et la coopération sur les capacités de production entre la Chine et l'Afrique.

5. Le développement des ressources humaines. La Chine s’engage à développer les ressources humaines africaines au cours des années 2016-2018, en formant sur le continent 200.000 personnes techniques et professionnelles, en recevant 40.000 Africains pour la formation en Chine. Ce sont des occasions à saisir par la Centrafrique afin de former massivement ses ressortissants (au moins 500 en Chine et 2.000 sur place, au cours des 3 prochaines années).

6. L’implantation des institutions financières. Il faudra œuvrer pour la création des succursales des institutions financières (banques, assurances…) chinoises en RCA pour soutenir l’économie et notamment les PME centrafricaines.

Pour obtenir des résultants dans ces domaines en vue de transformer (positivement) la vie des Centrafricains, il va falloir construire une diplomatie agissante, proactive, convaincante et respectée. Cela passera, bien entendu, par un travail herculéen pour restaurer l’image, sérieusement écornée, du pays (considéré par beaucoup de nos amis d’extérieur comme pourvu d’élites défaillantes, voire irresponsables). Réflexions stratégiques et actions doivent constituer le fil conducteur de la politique des autorisées issues des élections de 2015.

Dr. Thierry BANGUI

Consultant international, universitaire et essayiste

Spécialiste du Développement et des Relations Chine-Afrique







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